L’IDATE m’a invité dernièrement à présenter, à l’occasion d’un de leurs think tanks, ma vision sur les usages liés à la télévision linéaire et non linéaire. Voici la retranscription de l’essentiel de cette intervention qui portait sur l’évolution de la consommation des contenus, à 10 ou 15 ans, voire 25 ou 30. Ce texte est découpé en 4 parties. En voici la première autour de l’avenir de la notion de « chaîne » de TV.
Je me suis d’abord posé brièvement la question de ce qu’est une chaîne de TV aujourd’hui et de son devenir. Je me suis notamment inspiré pour cela de l’article d’Alex Holub, le CEO et fondateur de Vidora : 6 predictions about TV’s future in a post-Chromecast world. Le mobile et la tablette se développent à vitesse grand V, leurs ventes sont largement supérieures à celles des TV qui déclinent partout dans le monde. Or les tablettes et les mobiles sont des terminaux intelligents (on dit bien smartphone, non ?).
S’ils sont intelligents, alors le « poste » de télévision n’a plus besoin de l’être. Il devient seulement un écran connecté, plus grand que les autres, certes, mais un écran parmi les autres. L’avenir des « smart » TV, de la TV connectée et d’HBBTV (L’Hybrid Broadcast Broadband TV) semble bien compromis.
Les seconds écrans contrôlent de plus en plus, grâce à leur intelligence, la TV. L’applicatif via le second écran prend le pas sur la télécommande.
Alors que peut devenir la notion de « chaîne » de télévision ?
A mon sens un service, un service applicatif, orienté expérience d’usage. Cette expérience proposée aidera à choisir le programme qui me plaît, le programme que j’ai envie de regarder maintenant (qu’il soit live, en VOD, SVOD, ou catch-up, ou bien que ce soit un contenu personnel ou un jeu,…). Personnalisation, recommandation, contextualisation seront au centre de cette expérience.
Les marques vont pouvoir mieux tirer leur épingle du jeu qu’aujourd’hui grâce à ces services applicatifs : chaîne de marque (permanente ou éphémère, événementielle, …), brand content, publicité contextualisée et ciblée. On peut voir là les prémices d’un business model, finalement assez classique, mais que les marques renouvelleraient en créant des lieux de conversations autour de l’expérience d’usage de leurs produits.
La concurrence va être forte, très forte, entre les TV traditionnelles – qui devront nécessairement s’adapter à ces nouveaux usages – et les nouveaux entrants, les Google, Netflix, HULU, AMAZON … Un nouveau métier va prendre son essor : les agrégateurs de contenus vidéo sur IP. Leur mission ? Pouvoir offrir un large choix de contenus pour satisfaire le grand public ET les niches, faire du média de masse ET du média de précision. Offrir la meilleure qualité d’expérience et de service au meilleur coût. Non seulement optimiser la recommandation, mais aussi la distribution pour ne pas encombrer les réseaux. Prédire quel contenu sera un contenu de masse, lequel un contenu de précision et le distribuer de la façon la plus adéquate (en multicast ou en unicast, en avance ou à la demande, …).
Une catégorie d’utilisateurs est déjà prête pour cette TV de demain, la génération C (C comme Connectée). C’est chez cette génération que l’on observe l’augmentation la plus forte de consommation de contenus sur le web. C’est la génération déjà post ATAWAD. A l’AnyTime, AnyWhere, AnyDevice, ils ont ajouté le AnyBodyWith (avec tous mes amis) et le AnyChoice (l’hyper-choix). Leur expérience est principalement délinéarisée, en mode synchrone et/ou asynchrone, ils appellent la personnalisation, la recommandation et prônent la culture du partage.
Pour satisfaire ce jeune public, la TV doit devenir un média d’événements live (sport, TV-réalité…) et de contenus délinéarisés. Comment préparer ce changement de paradigme : conjuguer le media de masse et le media de précision ?
Une réponse immédiate consiste à injecter, et ce dès maintenant, du social dans la catch-up, pour augmenter la conversation sociale autour de la télévision de rattrapage et ainsi contribuer à rendre l’expérience au moins aussi palpitante que l’expérience autour du live.
Le contenu doit devenir intrinsèquement et nativement social et conversationnel.
La chaîne, service applicatif orienté expérience d’usage, doit (re)devenir un lieu de rendez-vous, un espace de conversation, en mode synchrone ET asynchrone. Il s’agit d’offrir au spectateur une destination, un lieu où il peut accéder à du contenu mais aussi et surtout un espace au sein duquel il aura plaisir à partager autour de ce contenu, via des conversations sociales avec ses amis et des experts.. Comme l’explique très bien l’excellent post de Mark Suster, les chaînes doivent apprendre à mieux utiliser Facebook et YouTube pour ramener les utilisateurs vers leur contenu sur leur espace de marque et valoriser ainsi leur data d’usage.
Mais pour cela, elles doivent apprendre à mieux connaître leurs spectateurs, leurs usages et leurs habitudes, en sachant capter et dompter les data. C’est ce que nous verrons dans la partie 2.